L’expérience d’un récit en marche

« Certains lieux sont particulièrement actifs, révélant des parties de nous-mêmes que nous ignorions ; c’est ce que j’appelle leur « génie », m’appuyant sur la tradition latine. Souvent c’est parce qu’ils sont façonnés par l’homme, qu’ils sont la matérialisation d’une culture ou d’une époque. Parfois un grand artiste, un architecte par exemple, les a façonnés ; mais la plupart du temps ils se sont mis à plusieurs et les époques se superposent. Parfois ce sont des écrivains qui ont décrit telle ville, et dont nous avons l’impression de retrouver le texte à tous les coins de rues. »

Michel Butor par Michel Butor, Seghers, 2003

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Les Lignes de désir a longtemps eu l’ambition d’être un projet éditorial à dimension protéiforme construit autour d’un texte non-linéaire dont les différents supports de publication en transformerait la structure et la réception. Je voulais voir ainsi comment une même histoire, celle d’un homme qui traverse la ville d’un bout à l’autre, à la recherche de la femme qu’il aime et qui a disparu, dans les lieux qu’ils avaient l’habitude de fréquenter à Paris, pourrait changer de forme à travers différents supports d’édition.

  • d’un livre imprimé, édité par un éditeur qui ne retiendrait qu’une sélection aléatoire dans l’ensemble des fragments écrits (et à chaque nouvelle impression, une nouvelle version créant ainsi autant de versions collectors de ce récit).
  • d’un livre numérique diffusée sur Publie.net (avec ordre non-linéaire des pages du récit).
  • d’un texte sous forme de cartes à jouer (tirage limité façon livre d’artiste), à partir d’une sélection de textes ayant pour thème le visage (série en cours d’écriture.
  • d’une installation sonore (associée à des lectures avec tirage aléatoire du texte (comme au cipM à Marseille) et des performances régulières (sous forme de visites guidée, notamment). À partir des deux pièces sonores réalisée sur France Culture. Dialogue d’un homme et une femme, entre le jour et la nuit (comme celle de La Commanderie à La Commande, à l’initiative de l’association accès(s) dans le cadre des Chemins électroniques.
  • et d’une application pour les plateformes Android et iOS au format smartphone uniquement, permettant d’écouter le récit tout en marchant dans l’espace même de son déroulement (l’île Saint-Louis), une écoute mobile de l’histoire permettant d’éditer à l’issue de son itinéraire, selon le chemin suivi, un récit inédit, un parcours poétique original.

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En travaillant sur le dispositif transmédia proposant d’explorer le récit interactif sous forme de narration combinatoire élaboré à partir d’une base de données géolocalisées de textes se présentant sous la forme d’enregistrements sonores offrant à l’utilisateur une ballade immersive sans pour autant lui dicter un quelconque chemin à emprunter, le projet a sensiblement évolué. C’est le dispositif interactif dans sa dimension sonore qui prend désormais le pas sur l’expérience éditoriale et la réflexion autour du livre numérique.

Les lignes de désir se présentera sous la forme d’un texte lu par un acteur. Dans la version du prototype, j’ai enregistré l’intégralité des textes (dont une partie est disponible sur SoundCloud). Une voix nous raconte l’histoire dans les lieux traversés et dont la dynamique et le développement narratif « épouse » votre comportement, il suffit de se mettre en mouvement, de traverser la ville, de déambuler sur l’île pour découvrir les histoires de ce couple qui se sont connus dans cet endroit. Il vous parle, mais jamais directement, comme s’il était votre confident. Sa voix est neutre, il est à la fois le narrateur de cette histoire, la voix des personnages d’Octave le photographe, de Nora la jeune comédienne, et de son auteur. L’histoire s’adapte à votre itinéraire et à votre vitesse. Vous vivez une expérience personnelle, potentiellement unique.

L’utilisateur se trouve constamment entouré par le son lors de son périple, il expérimente ainsi diverses textures sonores, la voix humaine qu’il entend lui raconter une histoire par bribes éparses, se mélange aux sons de la nature environnante (le vent dans les arbres, le fleuve et ses ressacs), et aux bruits urbains (les voitures, les motos, les bateaux, les avions, les chantiers de construction, les voix des passants, etc.).

Les images existent déjà autour de nous. La mémoire visuelle du territoire que l’on traverse remonte à la surface, on entend, dans l’intimité des oreillettes du casque audio, les sons qui se confrontent au lieu traversé, les soulignent parfois en arrière-plan, y font écho ou le perturbe en le troublant, entrent cependant en correspondances.

Même si j’ai essayé de dresser une typologie de dispositifs sonores urbains afin de délimiter l’utilisation habituelle de la géolocalisation pour mieux la détourner, je me rends compte, à travers les premiers retours des personnes qui découvrent le projet, mais également en expérimentant moi-même le prototype d’application mobile développé par David Hodgetts et Olivier Evalet pour tester sa mécanique technique, que ce qui constitue l’originalité de mon projet n’est pas toujours bien comprise, sans doute parce qu’elle n’est pas encore suffisamment claire.

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On ne sent pas assez par exemple l’interaction entre nos mouvements, le rythme de nos pas, le lieu et les textes qu’on entend. Si je change de trottoir, si je rectifie ma direction, je ne sens aucune réelle différence, et c’est assez décevant pour l’utilisateur qui du coup a l’impression d’écouter un récit qui évolue seulement en fonction de sa géolocalisation. La lecture des textes se poursuit sans que je me rende compte d’un changement. C’est satisfaisant pour la continuité de l’expérience, pas de sautes en effet, ni d’interruptions dans le récit, par contre l’interaction de l’utilisateur au centre du dispositif devient inopérante, et vu que c’est l’utilisateur qui écrit le récit et le personnalise par ses mouvements et son attitude générale, il faut absolument qu’il en ait conscience et le perçoive sensiblement au fil de son itinéraire. Il nous faut donc trouver un moyen technique pour accentuer l’interaction du dispositif.

J’ai pu me rendre compte, en effectuant ces tests, que les fragments de textes sont relativement courts, mais on a tendance à marcher vite au début de l’expérience, on pratique beaucoup de chemin en écoutant finalement assez peu de l’ensemble des textes.

Je me demande par exemple si la notion de marche rapide ou de marche lente, dont je souhaitais me servir au départ, en influant sur le type de textes que l’utilisateur écouterait, est viable par rapport à ce que le moteur alimenté par le flux de position GPS est capable de saisir et de traduire en données ?

Un parcours d’une heure sur place (j’imagine que la plupart des personne passeront 30 minutes environ à marcher sur l’île, les plus courageux et les passionnés peut-être 1h30) : soit l’écoute de 80 textes dans leur intégralité (sur un total de 365).

J’ai eu la confirmation qu’il manquait des indications sur le parcours effectué et celui qu’il restait à parcourir. Il n’y a pour l’instant (mais le prototype va très vite évoluer) que le passage d’une zone à l’autre qui est visible, où l’on peut voir la liste des fragments de textes se charger et être diffusé. Il faudrait y remédier avec le travail sur le design de l’application pour optimiser l’expérience utilisateur. Mais peut-être également dans le texte lui-même, en créant des textes intermédiaires.

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Capture d’écran du prototype de l’application réalisée par David Hodgetts

Dans l’état actuel du prototype les fragments sont affichés par zone au moment où l’utilisateur entre dans celle-ci et où le moteur peut les proposer à l’écoute. Et quand ils ont été lus, une marque le signale. Je pense que ce n’est pas cela qu’il faudrait montrer dans la version « finale » car ce n’est pas le plus intéressant, mais il faut en tout cas garder un aspect graphique très simple et épuré à l’ensemble.

Je me suis rendu compte enfin en testant in situ sur l’Ile Saint-Louis le prototype, que je ne passais pas totalement inaperçu. Pour des raisons techniques je devais garder allumé mon smartphone afin que la lecture ne soit pas interrompue, du coup je tenais le smartphone à la main, le fil blanc de mes écouteurs visible devant moi. J’ai croisé de nombreuses personnes à la recherche de Pokemons avec l’application Pokemon Go et je donnais parfois l’impression de les imiter et non pas celle d’écouter un récit tout en me promenant. J’ai croisé également quelques guides touristiques sur l’île, leurs visiteurs me regardaient avec curiosité quand je les croisais dans la rue comme un touriste qui écoute à l’aide d’un audioguide une voix lui décrire les œuvres d’art du musée qu’il visite.

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Comme le précise Ulrich Fischer sur son blog, « cette première mouture n’est pas encore utilisable par le public – il s’agissait principalement de valider les aspects suivants :

  • Consistance de l’expérience mobile (flux audio ; précision de la localisation)
  • Pertinence du découpage par zones et des arcs narratifs
  • Solidité et évolutivité du workflow global, de l’édition artistique à l’expérience mobile – tout en étant le plus économique que possible… »

Des futurs tests vont nous permettre de préciser et d’affiner les critères et les règles de jeu du dispositif.

Les prochaines étapes concernent le design de l’expérience mobile à proprement parler (UI/UX), la visualisation des données, des images en lien avec les fragments audio et surtout une valorisation de l’expérience de l’utilisateur à travers des mécaniques d’engagement actif (création de contenus) et de partage.

Scénarisation de l’expérience utilisateur

Le développement d’un prototype des Lignes de désir qui vise à valider et illustrer un moteur de génération narrative basé principalement sur le comportement déambulatoire de l’utilisateur, sur lequel vont désormais travailler deux développeurs Suisses, Olivier Evalet et David Hodgetts, qui m’ont été présentés par Ulrich Fischer, vise à régler ce moteur de façon à générer des arcs narratifs cohérents, et d’autre part, à rendre l’utilisateur sensible à son rôle d’agent.

Pour y parvenir, une étape importante consiste à travailler sur la scénarisation de l’expérience des utilisateurs. Il s’agit d’aller vers une description fine des scénarios d’usages du dispositif tels qu’ils pourront être vécus individuellement ou collectivement, en prenant en compte leur enrichissement par les contextes, les histoires et les outils. Par de nombreux aspects ce travail est proche de l’écriture d’un scénario (l’occasion de retrouver mes premières amours estudiantines, lors de ma maîtrise en cinéma et audiovisuel, spécialité scénario).

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Quai de Béthune, île Saint-Louis, Paris 4e

Scénario d’usage n°1

Mathilde : une jeune étudiante en architecture

C’est en se promenant sur l’île Saint-Louis, en remontant la rue principale que Mathilde a aperçu une élégante affiche dans la vitrine d’un café, le titre était accrocheur, Les lignes de désir, l’image d’une femme et d’un homme se promenant sur les quais de l’île. Cela a attiré son regard et aiguisé son attention, elle s’est approchée de l’affiche.

Le garçon de café lui a demandé si elle buvait quelque chose. Elle a été un peu surprise, mais pourquoi pas. Un café, a-t-elle répondu. Quand il est revenu lui servir son café elle lui a demandé s’il connaissait ce projet des Lignes de désir. Il a fait oui de la tête, et lui a expliqué qu’il s’agissait d’un projet de fiction à écouter en se déplaçant sur l’île. Une sorte d’audio-guide poétique a-t-il précisé. Il a sorti son portable de sa poche, lui a montré qu’il suffisait de flasher le QR code disponible en bas de l’affiche pour charger le site du projet. Ensuite, elle pourra écouter une histoire qui évolue en fonction de ses mouvements, en se promenant sur l’île Saint-Louis.

Mathilde a trouvé qu’il était bien renseigné et fort aimable, elle voulait préciser pour une fois, mais elle a gardé sa réflexion pour elle, inutile de se mettre à dos ce sympathique garçon de café, très serviable. C’est un client qui lui a parlé de cette application. Il ne l’a pas encore testé, ses heures de travail ne le lui permettent pas trop. Mais ça a l’air sympa.

Elle sort son iPhone, cherche son application pour flasher le QR code présent sur l’affiche. Elle trouve l’application Lecteur QR sur son iPhone, enregistre l’image qui après quelques secondes ouvre un site en pleine page sur son smartphone. Sur la page d’accueil du site qui s’adapte à la taille de l’écran de son téléphone, un texte de présentation lui précise que ce dispositif raconte l’histoire d’un photographe qui fait la rencontre d’une jeune femme mystérieuse sur l’Île-Saint-Louis où elle habite. Une carte de l’île Saint-Louis (en mode simplifié, juste le contour de l’île ainsi que le tracé des rues sur fond blanc) apparaît à l’écran.

Leur histoire d’amour est intimement liée à la ville dans laquelle ils aiment se promener tous les deux. Le dispositif invite le lecteur à marcher où il veut, au rythme qu’il souhaite sur l’ensemble des rues, des quais, des monuments de l’île, d’en arpenter tout l’espace. En fonction de son parcours le récit qu’elle entendra sera différent. Des boutons sont disponibles juste en-dessous de la carte de l’île permettant de lancer la lecture (Play), de la suspendre (Pause), et de l’arrêter (Stop). Pour commencer, il suffit de cliquer sur une icône représentant une flèche.

La jeune femme remercie le garçon de café, le paie et après avoir placé ses écouteurs qu’elle porte toujours dans son sac, pour écouter sa musique dans les transports en commun, elle appuie sur la flèche, le parcours commence, le voyant sur le plan se met à clignoter lui indiquant le lieu où elle se trouve, rue du Bellay, comme sur les plans de ville, la mention vous êtes ici. Vous êtes ici, pour écouter l’histoire et pour cela il faut parcourir les rues, les quais, les monuments de l’île à la recherche de tous les lieux de la fiction, se mettre en marche dans le récit pour entendre l’histoire. Le point de départ apparaît donc sur la carte. Son itinéraire va se dessiner au fur et à mesure de son parcours.

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Pointe de l’île Saint-Louis, Paris 4e

Elle se lève et se dirige vers le lieu qu’elle préfère le plus sur l’île, la pointe du quai de Bourbon, qui porte le nom de Louis Aragon désormais. Pour elle cet endroit est inexorablement lié à la lecture de la nouvelle Les fils de la vierge de Julio Cortázar dont Antonioni a tiré le scénario de son film Blow up en le transposant dans le Londres des années 60.

Elle se laisse porter par la voix grave et chaude de l’acteur qui raconte l’histoire de ce couple.

Ce qu’elle entend la surprend tout d’abord. Une voix d’homme envahit ses oreilles : « J’avance vers toi, vers vous. Je ne sais déjà plus comment il faut dire. Ce n’est pas si vieux, si lointain pourtant. Je te regarde, t’observe. Je vous vois en contre-jour. L’air autour de nous, et l’envie de disparaître, de s’effacer. Degrés plutôt que progrès. J’avance à pas lents, ralentis par l’émotion. Longtemps nous restons face à face, jusqu’au bout. Les allées et venues, les ombres nous effleurent. On va voir si ça tient. Devenir le polyvalent, ce dont on ne se rend pas compte lorsqu’on est un polyvalent. »

Très vite elle associe cette voix au personnage d’Octave, le photographe amoureux de cette jeune femme mystérieuse qu’il a rencontré sur l’île. Elle a même l’impression qu’il est en train de lui parler. Dans une douce et agréable familiarité. Elle marche très lentement, regarde un peu distrait les vitrines des magasins de la rue Jean du Bellay.

Elle traverse la rue, oubliant de regarder avant de traverser mais s’en rend compte in extremis en s’engageant sur la route. Elle sourit de cette distraction passagère que l’histoire qui l’emmène ailleurs explique en partie. Ce qui la surprend tout de suite, c’est le changement de ton dans l’histoire. « Un accident de lumière. Quand on se promène dans la rue, ce qui attire notre regard est très varié, c’est parfois un regard, un sourire, une attitude qui nous paraît étrange, une démarche qui nous rappelle une autre personne, un souvenir qui remonte à la surface, qui nous transporte ailleurs, très loin de là, à une autre époque de notre vie ». Elle longe désormais le trottoir pour rejoindre le Quai de Bourbon. Sur la pointe de l’île, elle fait une pause. Même à l’arrêt la voix de l’acteur continue à lui raconter cette histoire d’amour. Elle jette un œil à son téléphone pour vérifier si c’est normal.

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Square de Barye, île Saint-Louis, Paris 4e

Mathilde est restée longuement sur la pointe de l’île, s’attardant sur l’un des bancs. Elle avait envie de profiter de cet instant, du lieu et de cette voix. Mais elle se rend compte que le texte tourne uniquement autour de ce lieu où elle se trouve, et du temps qui passe. Elle s’en étonne. Et dès qu’elle se lève, elle a l’impression sans réussir à savoir si cela est lié ou non, que le ton de l’histoire évolue, se transforme brusquement. Très romanesque et descriptif lorsqu’elle était assise, en se mettant en mouvement, le temps se fragmente plus, et devient poétique. Ce qui n’est pas pour lui déplaire. Elle jette tout de même un œil sur l’écran de son iPhone pour vérifier si le dispositif indique quelque chose à ce propos. Rien d’anormal ne lui est signalé. L’histoire se poursuit dans ses écouteurs.

Pendant son parcours, elle peut voir à tout moments où elle en est de sa lecture. Le pourcentage de l’histoire déjà entendue et de l’expérience en cours lui indique où elle se situe et ce qu’il lui reste à parcourir pour avoir lu/écouté l’ensemble du récit. Elle ne voit que le début de son itinéraire dessiné sur la carte. Et le point de sa situation qui clignote pour indiquer sa géolocalisation. La durée de l’enregistrement est précisée, ainsi que le cours de celui-ci avec un curseur et le temps qui défilent simultanément. Elle remarque sous la Ligne de temps la présence de boutons sociaux (ils ne fonctionnent que si l’on est identifié (via Facebook ou Twitter ou son email)). Un cœur indique également si on apprécie ou non l’enregistrement quand il est achevé. Ce qu’elle indiquera sans doute à l’issue de l’expérience.

L’enregistrement porte un numéro généré automatiquement par le dispositif associé au titre qui créé un livre audio inédit.

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Quai de Béthune, île Saint-Louis, Paris 4e

Mathilde range soigneusement son téléphone dans son sac et se remet en marche. Direction le Quai d’Orléans. Elle flâne en écoutant l’histoire. Le soleil caresse la peau de son visage adoucit par un léger vent qui n’est pas pour lui déplaire. Mais elle se rend compte surtout, elle qui a suivi des études d’architecture, qu’elle porte désormais sur l’environnement qu’elle traverse, un regard différent, presque plus aigu que d’habitude, sur les éléments architecturaux bien entendu, mais également la forme de ce quartier de Paris.

Elle remonte la rue Saint-Louis en l’île. C’est à ce moment là qu’elle tourne pour s’engager dans la discrète rue de Bretonvilliers en passant sous un porche sombre aux parois recouverts de tags, ce qui est assez étonnants dans ce lieu chargé d’histoire. Elle entend dire : « La ligne droite est à proscrire. Marcher d’un bon pas, rythme soutenu, être à l’affût de ce qui nous entoure, à l’écoute. Écrire la ville en même temps que nous sommes en train de la lire. C’est une forme d’improvisation urbaine. Le ciel se couvre, nuages gris derrière la cime des arbres, une ondée s’annonce. Attendre la dernière limite pour se mettre à l’abri, avancer encore tant qu’on peut. J’avise quelques marches de l’autre côté de l’avenue, je ne vois pas où elles mènent, mais ce changement de décor est nécessaire à ma promenade ».

Elle avait bien lu la présentation du dispositif avant de commencer à marcher et se souvient qu’elle peut suspendre l’enregistrement à tout moments (si l’on coupe la lecture en appuyant sur le bouton « pause » cela suspend l’enregistrement. Si on arrête l’enregistrement, celui-ci est automatiquement enregistré. Une fenêtre s’ouvre alors avec un message qui vous demande si vous souhaitez enregistrer ou supprimer l’enregistrement. Si vous souhaitez le garder, il faut se connecter (via les réseaux sociaux) et lui donner un titre. L’enregistrement rejoint ensuite la bibliothèque de l’ensemble des enregistrements créés par les différents participants dans une rubrique intitulée EXPLORER.

Elle écoutera à nouveau son enregistrement chez elle, au calme, certaine de l’entendre d’une autre oreille, et de retrouver chez elle des images de sa promenade, les images de l’île Saint-Louis et celles que le récit à fait naître en elle, et qu’elle retrouvera intact, comme par magie, grâce à l’enregistrement, et dans la boite noire de sa mémoire, aiguisée par cette déambulation et ce récit qui cheminera encore longtemps en elle, bien après l’avoir entendu et l’avoir en quelque sorte marché.

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Fafner ? Quai de Béthune, île Saint-Louis, Paris 4e

Scénario d’usage n°2

François : un habitant du quartier d’une cinquantaine d’années

Il avait entendu parler d’un projet qui s’inscrivait sur le territoire de l’île Saint-Louis, il redoutait qu’il s’agisse d’une nouvelle installation comme celle de cet artiste de rue, street artiste comme ils se nomment désormais, ironise-t-il, qui avait, selon lui, défiguré l’île Saint-Louis, en recouvrant l’ensemble des quais, des ponts de l’île d’immenses reproductions de ses photographies représentant des femmes, et plus particulièrement leurs yeux nous fixant, nous dévisageant. Ce n’est pas qu’il trouvait ces photos laides, mais pour lui c’était une manière de se servir de la renommée de l’île, de la beauté et de la situation de ses monuments situés au cœur de la capitale, comme d’un cadre d’exposition, les murs de l’île transformés en simples cimaises.

Lors d’un conseil de quartier le porteur du projet, un écrivain parisien, Pierre Ménard avait présenté son projet et François avait trouvé cela très intéressant. Ce qui l’attirait le plus, c’était que pour une fois l’île n’était pas abordée comme un lieu touristique ou patrimonial, mais comme l’espace d’une fiction que l’on pouvait découvrir en la parcourant. Lui qui connaissait bien l’île pour y vivre depuis quinze ans, était impatient de l’appréhender sous un autre jour, l’angle d’une histoire d’amour qui se déroulait dans l’espace de l’île et que ce projet multimédia allait lui permettre de découvrir.

Il possédait depuis quelques années déjà un téléphone portable, il s’était donc rendu sur le site indiqué par l’artiste lors de sa présentation, le jour où le projet avait finalement été mis en ligne officiellement.

Quand il avait ouvert son téléphone, il possédait un Samsung GALAXY Core, il avait dû charger le site du dispositif via l’adresse qu’on lui avait communiqué sur le site du projet : http://leslignesdedesir.net

Sur la page d’accueil, une présentation du projet mentionnait l’histoire et le principe du dispositif. Plusieurs approches étaient disponibles. La première qu’il a testé était résumé par un verbe : PARCOURIR. Le sous-titre était assez intrigant : Le texte en marche. Mais on le comprenait très vite. Le but était en effet très simple, il s’agissait d’écouter une histoire en marchant dans les différents lieux de l’île Saint-Louis.

L’histoire était composé de courts fragments de textes lus par un acteur, éléments sonores qui ne s’activaient, ne se combinaient que si l’on marchait, que si l’on se mettait en mouvement. Leur contenu évoluait en fonction de notre parcours, mais également de notre attitude lors de ce parcours (le rythme de notre marche, le sens de notre itinéraire, les lieux visités, et le temps à les parcourir). Bien sûr ces associations, ces modifications du texte qu’on entendait en fonction de ses mouvements dans l’espace de l’île Saint-Louis, n’étaient pas perceptibles très clairement. C’est ce qui avait un peu désarçonné François au début de son parcours. Rien ne nous indiquait en effet qu’on venait de changer de textes. Et les fragments de textes surprenaient par leurs variétés et leurs résonances parfois avec les lieux qu’on traversait. François avait été surpris ainsi en arrivant devant la statue de la femme sans tête de la voir évoquée dans l’histoire.

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Rue Saint-Louis en l’île, Paris 4e

« En 1929, Max Ernst, publie un roman-collage, le premier d’une série. Une histoire en images. Pour réaliser ces collages, il choisit des fragments de gravures sur bois provenant de magazines, d’encyclopédies et de romans insignifiants du dix-neuvième siècle. Certains collages forment une parodie de certaines œuvres d’art célèbres ». Il avait poursuivi son chemin. Au fond se disait-il avec un léger sourire de surprise, lui qui attendait autre chose qu’une visite patrimoniale de l’île, on pourrait très bien imaginer des parcours touristiques avec ce type d dispositif. On marcherait dans un musée, dans le quartier d’une ville, et suivant l’endroit où nous nous trouverions, nous entendrions parler de l’œuvre ou devant le monument devant lequel nous nous trouverions. Ce serait plaisant, mais finalement assez proche de ce qui existe déjà dans les musées ou les lieux historiques et patrimoniaux, sous la forme d’audio-guides.

Là, remarquait-il tout en prolongeant son circuit un peu au hasard des rues qu’il connaissait pourtant très bien, mais avec cette fois-ci avec un regard un peu différent, décalé, surprenant, il écoutait une histoire dont il devait bien avouer il ne comprenait pas tout, dont il devait composer mentalement avec les manques, les oublis, les blancs, mais cela lui semblait plutôt bien correspondre au thème de cette histoire de disparition, avec cette marche qu’il opérait, dans ce lieu où les personnages avaient vécu, où ils s’étaient aimés, ces endroits qu’ils avaient eux-même arpentés, dans lesquels ils s’étaient plus à marcher, à flâner si souvent.

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Quai de Béthune, île Saint-Louis, Paris 4e

Scénario d’usage n°3

Mitch : un touriste américain d’une trentaine d’années

C’est en préparant son voyage à Paris que Mitch qui vit et travaille à San Francisco dans le numérique, alors qu’il cherchait des applications sur Paris, a dénichée cette application pour iPhone qu’il est pressé de tester sur place : Les lignes de désir. En effet il s’agit d’une application permettant d’écouter un texte de fiction se déroulant sur l’île Saint-Louis, en fonction de sa géolocalisation et de ses déplacements. Il avait prévu de visiter l’île dont il connaît la beauté et l’histoire par les livres qu’il a pu lire sur Paris.

Ce qui a tout de suite séduit le jeune homme c’est que le récit est disponible en anglais. Sans cela il n’aurait pas pu expérimenter ce dispositif, lui qui ne parle que quelques mots de français, juste de quoi se débrouiller sur Paris, mais pas assez pour écouter et comprendre un texte poétique.

Le menu est assez simple, Mitch parvient très vite à s’en saisir. Il souhaite surtout expérimenter la géolocalisation du texte. Pendant ses vacances sur Paris, il n’a pas pas beaucoup de temps, Paris est une ville si belle avec tant de lieux historiques à découvrir ou d’endroits pittoresques à visiter, il n’a finalement moins de temps qu’il espérait à consacrer à l’île Saint-Louis, mais il tient tout de même à voir comment fonctionne ce dispositif transmédia. Il est curieux d’observer comment cela fonctionne, car il a des projets qui pourraient entrer en écho avec dispositif géolocalisé. Il traverse donc l’île d’un pas pressé, empruntant la rue Saint-Louis en l’île, emplie de touristes comme lui. Mais avec son casque sur les oreilles, il s’isole d’eux, et l’histoire qu’il entend le transporte dans un univers qui lui est peu familier et plutôt exotique. Il comprend qu’il s’agit d’une histoire d’amour, et même s’il interrompt rapidement l’enregistrement, au bout de 30 minutes, il obtient une version du récit qu’il pourra écouter ce soir en rentrant dans sa chambre d’hôtel dans le Marais.

Le soir, alors qu’il s’apprête à écouter ce qu’il a enregistré en regardant sur son ordinateur les centaines de photographies qu’il a prises dans la journée, il se rend compte qu’il peut également utiliser une fonctionnalité qu’il n’avait pas remarquée en téléchargeant l’application sur son iPad aux États-Unis. Il existe un mode Carte d’écoute disponible dans une rubrique EXPLORER afin de composer un livre audio en choisissant un itinéraire sur une carte.

Il existe deux modes pour cette carte d’écoute. Un mode carte et un mode image. En mode carte, Mitch peut, sélectionner dans un menu déroulant un point de départ, sélectionner un point d’arrivée, sélectionner un nombre d’étapes, sélectionner une thématique (cinéma, marche, amour, photographie, etc.), ou bien encore sélectionner l’option : Parcours libre (qui détermine en mode Shuffle un parcours au hasard).

Un plan dynamique de l’île Saint-Louis est visible sur l’écran : en fonction du parcours déterminé par l’algorithme, l’itinéraire se dessine sur le plan. En bas de l’écran, une Ligne de temps (Timeline) permet de suivre l’écoulement de l’enregistrement créé par la combinaison des différents fragments sonores. Des boutons sont disponibles juste au-dessus permettant de lancer la lecture (Play), de la suspendre (Pause), et de l’arrêter (Stop).

La durée de l’enregistrement est précisée, ainsi que le défilement de celui-ci avec un curseur et le temps qui défilent simultanément. Sous la Ligne de temps, des boutons sociaux sont disponibles (ils ne fonctionnent que si l’on est identifié (via Facebook ou Twitter ou son email) : Un cœur pour indiquer qu’on apprécie cet enregistrement, un lien pour partager vers les réseaux sociaux.

L’enregistrement porte un numéro généré automatiquement par le dispositif associé au titre : livre audio.

Sous le bouton du Menu général, deux boutons (< / >) sont accessibles et permettent d’avancer à l’étape suivante sans devoir forcément écouter l’étape présente. Ce qui suppose que la génération du fichier mp3 du parcours créé par l’algorithme existe en deux versions : une intégrale et une découpée en ses différents morceaux.

Quand Mitch clique sur le bouton Stop, son enregistrement audio est automatiquement interrompu, et il peut le retrouver en cliquant sur un bouton Livre audio qui ouvre une nouvelle page où son enregistrement va rejoindre la bibliothèque audio de l’ensemble des parcours expérimentés par les participants sur le site. Les enregistrements peuvent être ordonnés par ordre chronologique, et par ordre de préférence (les plus aimés figurent en premier). Enregistrements audios qu’il peut à son tour écouter, aimer, partager.

Un bouton permet de basculer du mode carte ou mode images. La Ligne de temps en bas de l’écran, reste identique, seul le centre de l’écran évolue pour présenter un diaporama d’images liées au parcours qu’on entend (à partir de photographies géolocalisées via Instagram sur le parcours en question).

Mitch, qui croyait sélectionner ses photographies du jour, se laisse surprendre par la fascination de ce dispositif, et compose successivement plusieurs itinéraires sonores, racontant à chaque fois une histoire différente. La fatigue le retient, tard dans la nuit, de composer sur ce mode là une histoire en français, dans cette langue qu’il ne connaît pas mais qu’il a entendu toute la journée en traversant Paris. Pour prolonger la magie.

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Laurent Dumas habite quai de Bourbon, Paris 4e

Scénario d’usage n°4

Eugénie : une grand-mère active de 70 ans

Eugénie est une retraitée dynamique de 70 ans. Ses enfants lui ont offert une tablette iPad pour son anniversaire, et elle est bien décidée à l’utiliser. Ses enfants lui ont montré comment s’en servir et elle n’hésite pas à télécharger des applications pour les tester et s’amuser avec ce nouvel outil.

Une de ses amies qui habite Paris et qui sait qu’elle aime beaucoup les promenades, lui envoie un message pour l’inviter à découvrir un site qui permet de découvrir la ville autrement, à l’aide d’un téléphone portable ou d’une tablette, en écoutant, muni d’écouteur, une histoire en déambulant sur l’Île Saint-Louis. Cette île, elle le sait, a longtemps fasciné Eugénie qui a toujours rêvé d’y vivre. Elle lui envoie donc un courriel avec un article de presse qu’elle a lu sur le web, évoquant cette œuvre in situ qu’on peut arpenter de chez soi ou sur place, article lequel est indiqué l’adresse du site en question.

Eugénie se rend sur le site depuis sa tablette. cette histoire de photographe qui recherche la femme disparue qu’il a aimé la touche. Sur le site, en plus d’une invitation à marcher en écoutant l’histoire se dérouler au fil de notre parcours, il y a la possibilité de tester le dispositif depuis chez soi. Eugénie clique sur l’icône écouter. Une carte de l’île apparaît sur l’écran. Pour préparer son itinéraire, il faut choisir un point de départ du trajet dans une liste déroulante. Eugénie choisit le Quai de Béthune comme point de départ. Puis elle sélectionne un point d’arrivée : Rue le Regrattier. Elle a le choix entre un nombre plus ou moins grand d’étapes différentes. Elle en choisit 4 dans le menu déroulant mis à sa disposition sur le site. Puis elle valide son choix et l’application calcule en un temps record son itinéraire pour lui proposer d’écouter un enregistrement composé à partir de textes géolocalisés sur le parcours de l’itinéraire qu’elle a choisi.

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Librairie Ulysse, Rue Saint-Louis en l’île, Paris 4e

Elle peut l’écouter tout de suite, ce qu’elle fait en cliquant sur la flèche qui lance l’audio immédiatement. Pendant qu’elle écoute l’histoire, elle voit défiler sur l‘écran un diaporama d’images prises par l’auteur et les participants au projet qui ont enrichi de leurs photographies du lieu et de leur cheminement à travers l’île, comme le leur propose le dispositif, lors de leur parcours sur place.

Au bout de dix minutes, Eugénie choisit d’arrêter l’expérience, non que cela ne lui plaise pas, bien au contraire, elle a même beaucoup apprécié cette écoute et d’ailleurs elle profite d’un bouton « Partager » pour l’envoyer à son amie. L’enregistrement qu’elle a écouté est en fait un fichier mp3 qui a été créé à partir de l’itinéraire et des étapes choisis par Eugénie, et il est donc envoyé en version mp3 par email comme un livre audio qu’elle pourra écouter à son tour (avec un lien qui lui permettra de retrouver le site du projet).

Eugénie répond ensuite à son amie que lors de sa prochaine visite à Paris, elle pense pouvoir venir d’ici une semaine ou deux, après les vacances, précise-t-elle car là elle aura ses petits-enfants à garder à la maison et ne pourra pas trop bouger, elle aimerait bien qu’elle l’accompagne sur place pour tester grandeur nature ce séduisant dispositif interactif.

Deux semaines plus tard, après avoir retrouvé chez elle son amie Danièle, elles se rendent ensemble sur l’île Saint-Louis. Danièle habite près de la Gare de Lyon, elles décident de se rejoindre en métro aux abords de l’île Saint-Louis, préférant garder leur force pour la promenade sur l’île.

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Dispositifs sonores urbains

Les Lignes de désir propose d’explorer le récit interactif sous forme de narration combinatoire en mettant à disposition du promeneur, dans l’espace de l’île Saint-Louis à Paris (lieu où se déroule l’histoire) une base de données géolocalisées de textes se présentant sous la forme d’enregistrements sonores (lecture des différents fragments indépendants à circulation non-linéaire), offrant une ballade immersive sans pour autant lui dicter un quelconque chemin à emprunter.

De nombreux dispositifs sonores utilisent la géolocalisation et questionnent le rapport intime qu’entretient le son avec son environnement. Dans ces projets artistiques, les promeneurs doivent se laisser guider à travers un espace défini, un quartier, une rue, un musée. Des sons se déclenchent, se modulent lors du parcours en fonction de la localisation du marcheur équipé d’un smartphone et d’un casque d’écoute lui permettant de générer son propre mix urbain.

moillesulaz

Moillesulaz 1:1 (Moillesulaz échelle 1), est un dispositif sonore géolocalisé de Stéphane Degoutin, Elie Kongs, Gwenola Wagon.

Cette œuvre propose l’exploration d’un dispositif sonore géolocalisé par GPS de la région frontalière franco-suisse, autour du poste de douane de Moillesulaz. Entraînés par des récits croisés et subjectifs d’observateurs extérieurs, les promeneurs sont guidés à travers les contours de l’étrangeté, constitués du résidu des pratiques qui forment et déforment l’environnement des villes.

Sonospheres est un audio-guide participatif conçu et réalisé par Orbe en collaboration avec le collectif Kom.Post.

Sonospheres permet de capter et de restituer les voix qui ont parcouru un lieu à travers le temps. En se déplaçant, le public devient l’explorateur de cette cartographie mais aussi le co-auteur si celui-ci décide de contribuer en déposant le témoignage de sa propre visite. Grâce à un système de boussole dont il occupe la place centrale, il peut s’orienter dans les différentes contributions et attribuer à un point de vue son propre témoignage.

Murmures Urbains est une des versions de ce dispositif mis en place dans le cadre de la programmation officielle du Festival Chalon Dans la Rue en juillet 2015. Le projet est basé sur le dispositif web média situé permettant de délivrer des médias sonores via un smartphone en fonction de contraintes multiples combinables.

SoundWays est une application dédiée à la création, l’édition et la diffusion de parcours sonores géolocalisés. C’est le fruit de plusieurs années de recherche et d’expérimentation menées par le collectif MU, sur le rapport intime qu’entretient le son avec son environnement. Le Collectif MU a convié une vingtaine d’artistes à parcourir le canal durant un temps d’immersion, de rencontres et d’enregistrements, de La Villette à Paris jusqu’au cœur de la Seine-Saint-Denis, pour concevoir une œuvre polyphonique destinée à être écoutée au fil des parcours de Bande originale : une exploration artistique du canal de l’Ourcq.

Le tracé de l’application court comme un long fil perlé le long du canal de l’Ourcq, sur sept kilomètres. Des centaines de bulles de sons rythment les quais. Une flânerie urbaine d’une heure trente environ.

La position délivrée par le système de géolocalisation du téléphone active les sons, atténués ou intensifiés selon la distance à la source de la bulle. Plus qu’une succession de points d’écoute, SoundWays est un parcours constitué d’un joyeux chevauchement. « Au lieu d’une seule source, plusieurs bulles évoluent en fonction du déplacement du spectateur. Il compose ainsi son propre mix en les déclenchant », explique Philip Griffiths.

Géosonic Mix Normandie Impressionniste propose une immersion dans un paysage sonore en construction. Une architecture invisible, faite de 80 zones d’écoute, se superpose à la topologie de la ville de Caen. Des sons se déclenchent, se modulent lors du parcours en fonction de la localisation du marcheur équipé d’un smartphone et d’un casque d’écoute lui permettant de générer son propre mix urbain.

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Le projet propose un portrait sonore de la ville, sur la base d’enregistrements effectués sur place. De courtes pièces sonores (prises de sons, interviews, lectures, fictions) sont réinjectées dans l’espace public et deviennent les traces à réactiver de la mémoire de notre expérience sensible du lieu, un portrait ouvert et à entrées multiples dans lequel passé et présent, réalité et fiction se rencontrent.

Sur les bancs est un peu différent des précédents exemples. Il s’agit d’une application de réalité augmentée sonore qui propose des bulles de fictions géolocalisées dans les parcs et jardins de la ville de Paris. Grâce à la géolocalisation, l’application permet de repérer les histoires qui se trouvent autour de soi, d’être notifié quand on passe à proximité d’un épisode, et de la parution d’un nouvel épisode.

Cette application permet de repérer les histoires qui se trouvent dans notre environnement et d’être notifié de la parution de nouveaux épisodes. Une voix à gauche, une autre à droite, et nous voilà physiquement au milieu d’un dialogue entre deux personnages écrit par un romancier français.

Rue Saint-Louis en l-ile

Ce qui différence les Lignes de désir de ces projets et notamment de tous les audio-guides créatifs et les parcours (littéraires ou sonores) géolocalisés, c’est que dans le cas de notre dispositif aucun parcours ne peut être identique. Il faut utiliser la géolocalisation qui, embarquée sur la plupart de nos appareils mobiles, est un rouage important du dispositif global de connaissance instantanée de ce qui se passe dans le monde, mais pour mieux la détourner.

Il n’y a donc pas de voie à suivre ou d’itinéraire idéal dans les Lignes de désir, il n’y a qu’un espace des possibles à arpenter, l’espace de l’île Saint-Louis, et c’est la manière avec laquelle le public l’appréhendera (sens de circulation, vitesse de la marche, activités variées pendant le parcours, temps de l’itinéraire, lieux empruntés et l’ordre avec lequel ils l’auront été) qui déterminera le texte entendu, et le texte à lire à l’issue du parcours, qui en somme éditera une version du texte.

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Ulrich Fischer accompagne le projet

Sur son site, Ulrich Fischer explique son investissement dans mon projet Les lignes de désir.

Voici un extrait de son texte dans lequel il expose ses axes d’approche pour l’accompagnement de ce projet :

  • Trouver un outil de base de données. Le stockage et l’éditorialisation des contenus est le socle pour tout : les tests, le développement puis le déploiement. J’ai donc cherché un outil simple, pas trop cher, souple, ouvert (import / export & APIs), qui fonctionne comme une web app responsive ou encore mieux avec une application native dédiée. Et j’ai trouvé Airtable, qui à mon avis convient parfaitement comme une première base de travail.
    Après avoir construit un « moule » spécifique adapté au projet (les champs, types de champs, tables liés pour les tags ou les taxonomies etc), Pierre a pu commencer à entrer les données (sons, textes, images, tags et autres descripteurs permettant ensuite d’articuler les contenus de manière vivante et immersive…
  • Trouver des services web et applications pour prototyper les usages. Il y a quelques pistes ouvertes, que je suis en train de tester avec les critères suivants: workflow depuis Airtable, fonctionnalités alignées sur les spécificités et besoins du projet, possibilités de customisation…

 

 

2ème étape

Le palimpseste ne se limite donc pas à l’emprunt de phrases déjà écrites, du type ready-made, le palimpseste ce n’est pas obligatoirement reprendre les textes
d’autrui mais leur trace, leur écho, leur empreinte, leur projet pour les déconstruire,
pour les reconstruire, les critiquer, leur reconnaitre la force du questionnement ou
tout simplement celle du plaisir.


« La forme dominante du livre imprimé est linéaire, écrit Peter Meyers. L’écrivain écrit 384 pages et le lecteur lit 384 pages, l’une après l’autre. En termes formels, j’imagine cela comme une ligne droite, une courbe peut-être si vous voulez mettre en avant l’arc narratif (l’introduction, l’exposition, les conflits, la résolution, le dénouement). Le chemin est fixé par l’auteur qui lui-même travaille dans les limites imposées par la pagination et le livre relié. »

Evolutions du blog

Suite à l’obtention du dispositif pour la création artistique multimédia et numérique (DICRéAM) : aide au développement pour le projet des Lignes de désir le 18 novembre 2015, ce blog devient un outil de travail au service du projet.

Il permettra de :

– faire le point sur les activités et développements en “temps réel”
– noter les pistes de réflexion et de travail
– discuter les options de développement
– partager des infos
– publier les avancées et tests techniques
– organiser la suite des opérations

Une série de textes à partir de photographies

L’image interminable n°1

L’attrait du mystèrePenser images secondeEntre les lignes de ta mainTrajectoire d’une traversée de la villeLes fentes de timiditéUn point de départLe lieu de tous les passagesAu fil de ma mémoireL’inconnu nécessite de la souplesse /

En attendant le métro.

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Métro Gare d’Austerlitz, Ligne 6, Paris 13e

Ce moment où tu vas te retourner, ce sera toi devant moi, tu me souriras, j’oublierai tout ce temps passé loin toi, à t’attendre seul, à la maison ou à traîner dans les rues de Paris, parti à ta recherche, arpentant tous les endroits où nous sommes allés, tous les lieux que nous aimions, et ceux que nous souhaitions connaître ensemble mais que nous n’avons pas eu le temps de visiter, sans chercher à te poser de questions, à comprendre pourquoi tu t’es ainsi absentée si longtemps, sans raison, sans explication, juste le bonheur de te revoir, de te sourire, de te prendre dans mes bras, de sentir le parfum de ton cou, la chaleur de ton corps, et les larmes monter en moi. Toutes les questions sur ta disparition, cela fait des années que je me les pose en tous sens, j’ai pensé que tu étais morte dans l’incendie de ton appartement, j’ai imaginé que tu avais peut-être fui notre bonheur, envisageant tous les scénarios les plus terribles plutôt qu’accepter de vivre sans toi, car tu serais morte.

À la croisée des chemins.

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Rue Eugène Varlin, Paris 10e.

Prétextant un impérieux besoin d’argent, en acceptant de ne pas être déclaré pour finir de convaincre du sérieux de ma demande, j’avais été engagé dans un hôtel de la rue Martel, petite rue calme cachée derrière la Place de la République, pour un projet de reportage photo. Le plus dur en tant que gardien de nuit était d’attendre le client, vérifier que personne n’entre sans raison. J’avais mis du temps à trouver le moyen de photographier les clients à leur insu, tout en leur demandant parallèlement l’autorisation de les prendre en photo avec un appareil que cette fois-ci ils pourraient voir, car je le mettais bien en évidence sur le comptoir, et je tentais de leur faire accepter la photo en leur expliquant ma démarche. La plupart du temps les clients acceptaient un peu surpris de ma demande. Les premiers pas hésitants dans la rue, après ce travail nocturne, la lumière imprévisible du soleil rasant à l’aube, se dégourdir les jambes au moment où mon corps aurait dû se coucher, se reposer.

Sur mes refuges détruits / Sur mes phares écroulés / Sur les murs de mon ennui.

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Cité Martignac, Paris 7e.

Arpenter un quartier dont toutes les façades offrent d’impressionnantes perspectives, de prestigieux ordonnancements. Mais dès qu’on sort des lieux touristiques, des bâtiments historiques, le quartier dévoile enfin son vrai visage de cité dortoir. Personne ne vit dans ce quartier, tous les commerces sont fermés, les rares passants sont des touristes perdus, sortis par mégarde de leur itinéraire. Ici, pas un bruit. Les gens qui y vivent sont rares et passent le week-end dans leurs résidences secondaires. Les ambassades, les ministères, les institutions, les services publiques ouvriront demain, et avec eux les commerces qui vivent de la présence de leurs personnels. Mais le dimanche, personne ne se promène là. Et quand cela arrive tout de même et qu’on entre dans la Cité Martignac, curieux de voir l’arrière d’une prometteuse façade, la surprise de ce qu’on y découvre laisse pantois. Un lieu à l’abandon, aux murs lépreux, aux pavés disjoints, barreaux des fenêtres, au rez-de-chaussée, cadenas désolé. Une impasse.

Dans la maison du Sphinx.

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Jardin de la Maison de Balzac, 47 rue Raynouard, Paris 16e.

Le jardin de la Maison de Balzac n’est pas immense mais il est vraiment charmant, à l’abri des regards. La ville y parait très loin, sur les hauteurs du quartier de la Muette, le pavillon marquant la limite entre les anciens villages de Passy et d’Auteuil. La maisonnette, avec ses volets de bois peints en vert, s’étend sur trois niveaux, à flanc de coteau. Des chaises et des bancs vous invitent à vous asseoir pour prendre le temps de profiter de la quiétude de l’endroit. La statue d’un Sphinx cachée entre les rosiers et les haies nous surprend. Le musée conserve d’ailleurs un tirage photographique d’un Balzac en sphinx. La maison a la particularité de présenter deux aspects différents, de posséder deux entrées, qu’on l’aborde depuis la passante rue Raynouard ou depuis la discrète rue Berton, en contrebas, une ruelle pavée où le temps semble s’être arrêté, ce qui permit à Honoré de Balzac qui y vécut de 1840 à 1847, sous un pseudonyme, de fuir le moment venu de trop pressants créanciers.

Marquer d’une pierre blanche.

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Cimetière de La Villette, rue d’Hautpoul, Paris 19e

Marquer d’une pierre blanche, autrefois c’était un caillou. Le blanc, son éclat, sa lumière. Dans l’antiquité, les jurés disposaient de deux cailloux, un blanc et un noir, le blanc innocentait l’accusé. À la même époque, lors des banquets, un caillou blanc gravé au nom de l’invité faisait office de carton d’invitation. Ici, c’est une pierre brute posée sur le marbre d’une pierre tombale. Pour indiquer qu’il y a là quelque chose d’important à ne pas pas confondre avec le reste : à ne pas oublier. Laisser la place pour inscrire un message, écrire un mot, sans le faire pourtant, remettant cela à plus tard, laisser une trace, une place, pour ce que l’on voudrait dire. Une page blanche. Les cailloux pour retrouver son chemin sont dans toutes les têtes. Tout le monde y pense. Suivre la ligne ainsi composée, selon les points, les pointillés. Sans rien oser écrire dessus, quelques réflexions à voix haute sur la définition d’une vieille expression dont le sens caché commence à se révéler à nous.

 

Une série de textes sur le visage

Portrait dans un miroir est le premier texte d’une série de textes sur le visage élaborée en ligne à partir d’une sélection d’images trouvées sur le blog Tumblr Du don des nues

Les textes de cette série s’intitule des Visages des Figures intègrent progressivement l’ensemble du récit des Lignes de désir.

Portraits percés / Je vais bien : sauve-moi ! / Plis et replis / Le langage des fleurs / Pâle lumière de la mémoire / Une ville sous la ville : cet envers de soi dans l’endroit où l’on vit / Le voyeur observe le voyeur / Où es-tu ? Là, t’es où ? / Face à face : selon toute ressemblance / Tu chauffes / Avis de recherche / L’Inconnue de la Seine / À la surface du mur / Derrière le miroir / L’énigme des visages / Ton visage étoilé de souvenirs / Portrait parlé / Ombres urbaines / La tête dans les nuages / Nuage de fumée / Le Jeu des probabilités / Portrait dans un miroir /

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Raoul Ubac, Portrait dans un miroir, 1937

La lumière brûle tes cheveux, en blanchit abrasive les boucles blondes. Sur la pointe des pieds, tu tentes de t’approcher du miroir, te penches pour observer un détail de ton visage, le grain de ta peau, une rougeur peut-être, la clarté du soleil te surprend et suspend ton regard, en t’éblouissant. Tu fermes les yeux pour ne pas t’aveugler. Paupières fermées, face au miroir, tu t’offres alors à mon regard. La chaleur caresse doucement ta peau, tendrement, tu n’oses plus ouvrir les yeux désormais, préserver cette précieuse image de toi un temps avant de te voir, de fermer les yeux à cause de l’aveuglante lumière, juste avant de perdre la vue, de sombrer dans la chambre noire qui enregistre tous les battements de ton corps, l’écho de leurs accords intérieurs. Cette image t’envoûte tel un premier baiser. Miroir ancien dégradé par l’humidité, constellé de tâches noir, piqueté de grains gris, d’éraflures. Le tain altéré par des éclats sur la glace, des traces de mercure à l’envers du miroir.

La lumière rasante du soleil sur l’angle du miroir fait apparaître une dimension inespérée, insoupçonnée, invisible, une couche réfléchissante fine, strates de cuivre ou de plomb placées pour être protégées sous une plaque de verre. Une image sous l’image. Le temps s’arrête. Tu plonges le papier photographique dans le bain révélateur, attends que les premières formes apparaissent, formes abstraites au départ, zones grises, ignorées sous le blanc du papier, formes évolutives qui s’évanouissent en volutes évasives, traces de cartes de pays rêvés, de nuages aspirés en spirales, le noir assigne la surface de l’image, à moins que ce soit l’eau, un court instant on ne sait plus, indistinctes surfaces. L’image apparaît donc sous nos yeux ravis, se dessine, se devine, tu t’y reconnais même si c’est encore un peu flou, imprécis. La silhouette est bien là, l’ovale du visage s’éclaircit, l’arrête du nez se souligne, tes lèvres s’enivrent, et tu me souris, les yeux fermés, visage baigné de lumière.

 

Les lignes de désir : installation sonore et lectures

Les lignes de désir est un projet d’édition est protéiforme. J’imagine un texte dont la publication ne retiendrait qu’une sélection aléatoire dans l’ensemble des fragments écrits (et à chaque nouvelle impression, une nouvelle version créant ainsi autant de versions collectors de ce récit), mais aussi une version sous forme de cartes à jouer (tirage limité façon livre d’artiste), un site (avec des promenades sonores (ambiance ville lecture de fragments du texte et création musicale)), des diaporamas de trajets à rejouer à travers la ville, une application iPhone/iPad (permettant une écoute mobile de ces parcours poétiques), une installation avec pièce sonore et des performances sous forme de visites guidées de la ville.

La Commanderie de La Commande, dans les Pyrénées-Atlantiques

À l’invitation de l’association accès(s) j’ai animé en avril 2013 un atelier d’écriture numérique au Collège d’Arthez-de-Béarn : Autobiographie de profil. Cette résidence d’une semaine débouche sur cette invitation à participer à la manifestation Les Chemins électroniques, qui investit le 15 juin 2013 tous les espaces de la Commanderie le temps d-’une après-midi et d’-une soirée autour d-’oeuvres, de musiques et de voix célébrant le récit, le voyage réel ou intérieur, intime ou collectif. Un temps convivial ouvert à tous, à partager avec les artistes et les vignerons indépendants..

Mur en ruine préservé devant La Commande de La Commanderie

Les murs ont des oreilles : installation, pièce sonore et performance.

Cette expression est apparue vers 1622 sous la forme les murailles ont des oreilles. Les murailles sont devenues des parois pour en arriver à la forme actuelle de murs vers 1690. Elle signifie qu’une conversation risque d’être entendue et de causer des ennuis à ses auteurs. Il s’agit alors de donner le sens de l’ouïe à des pierres, ce qui est tout à fait extravagant. Cependant, on utilise également cette expression dans un sens plus figuré lorsque deux personnes discutent en privé, mais avec des gens autour d’eux. Même si ceux-ci semblent occupés et ne pas prêter attention à la conversation, il peut arriver que les interlocuteurs se sentent gênés par cette présence, car les murs ont des oreilles. Autrement dit, ces personnes qui semblent ne pas écouter peuvent tout de même entendre quelques bribes de la conversation, brisant ainsi la confidentialité de l’entretien.

Salle de la Commanderie de La Commande, dans les Pyrénées-Atlantiques

Dispositif :

Quand il pénètre dans la salle du 3e étage de La Commanderie, le visiteur n’entend qu’un tumulte de voix dont il ne parvient qu’à peine à distinguer ce qu’elles disent, par bribes. Au centre de la pièce nue, posées sur un lutrin, les pages du récit Les lignes de désir, sont disponibles à la lecture des visiteurs. Si le public s’éloigne du milieu de la pièce et longe les murs de la pièce sur lesquels des haut-parleurs sont disposés sur chacun des murs, il entend le fragment d’une conversation entre un homme et une femme. Une conversation entre un couple dans la nuit de la ville, et une autre qui se déroule avec un autre couple, en pleine journée.

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Sur l’un des haut-parleurs, on entend donc la voix d’un homme qui parle à quelqu’un dont on n’entend pas la voix. Sur le mur d’en face, le hautparleur diffuse la partie manquante de la conversation. La voix d’une femme qui parle avec quelqu’un dont on n’entend pas la voix.

De l’autre côté de la pièce, même dispositif, avec un autre dialogue, celui d’un homme et d’une femme, discutant dans la journée.

Le public ne peut jamais vraiment entendre l’intégralité des dialogues entre ces deux couples.

Sur chaque enceinte les voix des deux dialogues sont diffusées à tour de rôle, leur vis-à-vis toujours diffusés simultanément sur le haut-parleur disposés sur le haut-parleur du mur opposé.

La diffusion est interrompue à plusieurs reprises dans la journée pour des interventions de l’auteur, programmées à l’avance, qui après s’être placé au centre de la pièce, derrière le lutrin, lit une dizaine de pages du récit des Lignes de désir choisies au hasard, après les avoir battues plusieurs fois devant le public présent au moment de la lecture, pour bien les mélanger, respectant ainsi le principe d’écriture de ce récit à circulation aléatoire.

Quatre haut-parleurs :

Le premier : L’homme dans la nuit

Le second : La femme dans la nuit

Le troisième : L’homme dans la journée

Le quatrième : La femme dans la journée


Performance :

Au centre de la pièce, au fil de la journée, l’auteur vient lire régulièrement des fragments du texte Les lignes de désir extraits au hasard dans l’ensemble des feuillets du récit encore en cours d’écriture.


Extraits :

Un couple dans la nuit. Derrière leurs fenêtres, ils regardent la ville en contrebas. Ils parlent et imaginent ce qui se passe dans la pénombre. Des volets clos sur des fenêtres aveugles. Debout dans l’embrasure d’une nuit sans voix, désirant, ils cherchent leur souffle. Des rues, une nuit, vides. Des histoires, ce qu’on se dit pour commencer. Nous vivons ainsi. Un renversement, ce vertige d’être au monde. Une chose que nous sentons vaguement, ombre ou petite lueur, dont la silhouette fantomatique s’élève dans la nuit. Un désir, une émotion, un lieu, de la lumière et des bruits.

ELLE : On peut le dire comme ça si vous voulez. Des histoires pour commencer. Nous vivons ainsi. Un renversement, ce vertige d’être au monde. Une chose que nous sentons vaguement, ombre ou petite lueur, dont la silhouette fantomatique s’élève dans la nuit. Un désir, une émotion, un lieu, de la lumière et des bruits.

LUI : Ces échos d’autres paroles qu’on entend là à longueur de journée.

ELLE : Derrière cette fenêtre, regarder la ville en contrebas. Imaginer ce qui se passe dans la pénombre.

LUI : C’est ça, continuons…

ELLE : Je regarde souvent vers lui comme on se délecte de la fragilité des jours, mais lui jamais. L’air d’avoir absorbé en lui toutes les nuits.

LUI : C’était avant, c’était ailleurs.

ELLE : Dans la cabine téléphonique, il regarde sa montre avant de répondre. Elle ne termine pas sa phrase. LUI : Les lumières ne prennent reflet que sur le translucide. Mais à l’intérieur tout est bel et bien vide.

ELLE : Il a fait beau aujourd’hui contrairement à ce que je croyais.

LUI : Le ciel était bleu. Voir la lumière contrainte à la géométrie. Voir le vent en contact avec la pierre. Voir la mémoire des pierres agitées par l’apesanteur.

ELLE : Le reste est fictif, comme la vie privée. Les amis réunis dans le secret de l’appartement, la joie illumine leur visage. Un couple dans la journée. Ils marchent l’un à côté de l’autre et discutent ensemble. Ce dialogue n’est pas celui d’un voyage, mais d’un parcours.

LUI : Je sors dans la rue et m’y promène comme on ouvre un livre au hasard, je tire au sort pour savoir où je vais, dans quelle direction, toujours aucun but précis, à ville ouverte. Je lis la page qui me tombe sous les yeux et c’est là ce qui m’intéresse.

ELLE : Un homme avance dans les rues de la ville, il marche vers un but dont on ne devine que peu à peu ce qu’il est, un rendez-vous avec une femme. De cette femme on ne sait rien.

LUI : Parfois, dans une rue, vous entendez un bruit lointain. Ce que l’on ne raconte pas à sa femme ni à son ami, il faut le raconter à un étranger.

ELLE : Les mots tournoient dans sa tête au rythme de ses pas. Ce qu’il observe en marchant, ce qu’il veut dire à cette femme qu’il rejoint, ce qu’il a sur le cœur.

LUI : Ce vide, voilà ma réponse. C’est la chance des rencontres.

ELLE : Il avance en se parlant à voix haute.

LUI : Je veux tourner la page.